Articles sur les difficultés de la communauté chinoise à s'intégrer en France








À partir de l’arrivée massive des migrants d’origine asiatique et chinoise au milieu des années soixante-dix jusqu’à une période récente, l’immigration chinoise pose peu de problème à la société française qui l’observe comme discrète et économiquement bien intégrée. Cependant, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la société voit apparaître des signes de difficultés. Les ressources internes à la communauté ne semblent plus suffisantes pour résoudre l’ensemble des problèmes de ses membres et, de plus en plus de personnes se tournent vers la société française qui découvre une population vulnérable. L’hypothèse principale de cet article est de considérer, qu’étant donné l’importance attribuée à la maîtrise de la langue française dans le modèle d’intégration français, le facteur linguistique est central pour comprendre la vulnérabilité des Chinois en France. En effet, la maîtrise de la langue française conditionne la sociabilité des migrants dans la société d’accueil et leur accès direct à cette dernière. En analysant le projet politique de la République française en matière d’immigration et le projet migratoire des Chinois en France, l’article, fondé sur deux études de terrain, dévoile un hiatus entre les deux projets, qui fragilise cette population migrante.

Estelle Auguin et Florence Levy, « Langue et vulnérabilité des migrations chinoises actuelles », Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 23 - n°3 | 2007, mis en ligne le 01 décembre 2010, consulté le 25 mars 2012. URL : http://remi.revues.org/4205


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La plus riche et la plus importante du monde
La 
diaspora chinoise présente sur les cinq continents est issue d'un long processus qui commence au premier millénaire. Au XIXe siècle, les flux se développent massivement et stoppent à la création de la République Populaire de Chine. L'histoire des Chinois de France débute à la Grande Guerre. La présence migratoire en France est ensuite discrète. Dès 1975, les réfugiés, à 80 % d'origine chinoise, développent le quartier chinois du XIIIe. A Paris, des pôles marchands autonomes émergent, soutenus par la diaspora. En 1996, les sans papiers chinois créent "une fêlure" dans les communautés et briguent une intégration républicaine. Avec l'ouverture économique de la Chine, de nouveaux migrants arrivent du Sud-Est et du Nord-Est du pays, du fait des restructurations des entreprises d'Etat. La France devient une destination privilégiée. Au regard de ces flux, la question migratoire chinoise est posée en France et en Europe. Très peu de continents ont été épargnés par l'émigration chinoise. La diaspora chinoisemondiale se compose de plus de 50 millions d'individus. Si l'on considère les Chinois de Taiwan et de Hong Kong rétrocédée, le nombre s'élève alors à plus de 80 millions de personnes. De nos jours, la communauté d'origine chinoise en France peut être évaluée à 450 000 personnes et à 250 000 en Ile-de-France. Depuis l'ouverture économique de la Chine, grâce à de nouvelles filières, des nouveaux migrants chinois affluent en France qui devient une destination privilégiée. Les nouvelles filières d'immigration vers la France
Ces nouveaux migrants ne viennent plus uniquement des régions côtières du Sud-Est de la Chine, mais du Nord-Est, du fait des restructurations économiques des entreprises d'Etat en Chine. Munis de visas, avec des domiciliations en France chez des particuliers ou dans des associations, des nouvelles filières migratoires se mettent en place. Les tentatives migratoires clandestines des zones rurales du Sud (Guangdong - Zhejiang et Fujian) et du Nord-Est (Jilin - Liaoning - Heilongjiang - Hebei) de la Chine se développent. L'immigration Wenzhou ne ralentit pas. Originaires de Zhejiang, ces derniers représentent 60 à 65 % des nouveaux arrivants dans le quartier de Belleville à Paris. Plusieurs trajectoires passent par l'Europe de l'Est et la Turquie. Les réseaux sont présents en Asie, en Russie et en Europe de l'Est (Pologne, Bulgarie, ex-Yougoslavie). Attendant parfois plusieurs semaines leur passage pour l'Allemagne, les Pays Bas, l'Angleterre, la Belgique, la France, l'Espagne ou l'Italie, munis de faux papiers ou de documents délivrés en cours de route (visa polonais en Russie ou visa serbe par exemple), les trajets des clandestins, avec de multiples circuits et filières en Europe, peuvent durer de quelques jours à quatre mois. Ils utilisent divers itinéraires et moyens de transport (avion, train, camion, bus, trajets à pied) selon les choix des passeurs.
De nombreux ressortissants chinois arrivent à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, avec des billets délivrés par des agences de voyage. Accueillis à Paris par des "Dongbei" déjà présents sur le territoire, des groupes issus du Nord les aident à s'établir dans des communautés chinoises bien implantées en France (Wenzhou et Teochew). Les migrants acceptent des travaux modestes dans des ateliers clandestins chinois ou turcs, à Paris et en Ile-de-France. Il s'agit d'une main-d'œuvre peu regardante et économique, y compris pour les femmes, recrutées comme femmes de ménage. On constate également des réseaux de prostitution à Paris peu visibles jusqu'alors, et l'arrivée de jeunes migrants mineurs isolés.
Sans tenir compte des opportunités d'entrées via les visas délivrés par les Consulats de France en Chine (79 000 en 1999, hors Hong Kong), actuellement près de 40 000 ressortissants d'origine chinoise tentent de pénétrer en France chaque année. Les stratégies des 
migrants chinois évoluent rapidement. Sur la base de récents travaux en Chine, en collaboration avec des responsables français, de statistiques récentes (OFPRA, Ambassade de France, Ministère de l'intérieur français), nous assistons à de complexes modalités d'entrée en France des ressortissants chinois, dans un phénomène qui peut devenir exponentiel.
A Paris, la demande d'asile chinoise devient la première par groupe de nationalité. Celle-ci est passée de 110 demandes en 1985 à 2 076 en 1998, à 5 169 demandes en 1999 (sources : OFPRA, 2001) et à une prospective (données provisoires) identique en 2000 comparée à 1999. Malgré le faible taux d'accord sur les dossiers (en 1999 < 3 %), ces demandes permettent aux demandeurs d'asile de "gagner du temps" pour tenter une régularisation ultérieure et ne représentent qu'une faible proportion des entrées sur le territoire. Il faut tenir compte des régularisations obtenues dans l'espace de Schengen (campagnes en Espagne). Les ressortissants munis de documents régularisés grâce à des complicités locales ibériques (domiciliations payantes de 20 000 à 30 000 FF) reviennent en France. Les candidats à la régularisation ont compris le profit qu'il pouvait tirer des accords de Shengen. Enfin de nombreux chinois présents en Europe Centrale attendent que leur pays d'accueil intègre la Communauté Européenne.
L'appui de la puissante diaspora parisienne
Cette nouvelle immigration s'appuie sur des structures et des réseaux bien implantés. Autonomes au regard des pays d'accueil, et très soudées, les communautés chinoises ont une importance économique considérable. Le rapide développement des quartiers chinois parisiens n'est pas lié à un quelconque hasard ou à des soudaines opportunités ; L'espace autonome des quartiers chinois repose sur la base de deux grands principes ; La confiance dans les amitiés personnelles et les réseaux qui s'inscrivent dans un projet collectif de groupe et de stratégie de réussite individuelle. Les solidarités claniques, familiales, géo-dialectales sont liées à une culture ancestrale, à un acquis collectiviste confucéen, et à des filières d'entraide financières dans le monde entier, sans oublier les liens d'investissement avec la Chine.
Forts de ces atouts culturels, historiques, et de leur expérience migratoire fondée sur une principale activité - le commerce -, les Chinois d'Outre-Mer bâtissent de véritables empires. Avec des groupes financiers très puissants dans le monde, cette diaspora joue un rôle clef dans l'ouverture économique de la R.P.C. en réinvestissant considérablement dans les régions d'origine. Démarrant durement leur labeur et leurs premières activités dans les pays d'accueil, le succès scolaire et l'ascension sociale des migrants sont rapides dès la deuxième génération, produisant des réussites individuelles, familiales et collectives. Ces Chinois solidaires, secrets, respectueux et travailleurs, ont la possibilité d'investir rapidement grâce à la solidarité et à un système de prêt communautaire, le "Hui", qui permet, sans passer par des organismes financiers, d'acquérir comptant un appartement ou un commerce et de s'implanter dans un quartier qui va se développer rapidement. La vitrine du XIIIème arrondissement de Paris, le quartier de Belleville et d'autres secteurs chinois de la capitale forment des exemples concrets de ces stratégies.
Ce système d'entraide a permis aux Chinois de s'implanter de façon autonome dans l'épicerie extrême orientale et dans la restauration, puis dans des activités économiques très diversifiées. Cette communauté jugée favorablement par l'ensemble des français représente pour certains un modèle d'intégration communautaire. Pour d'autres, il s'agit d'une vie "en ghetto", hors du modèle français d'intégration. La Communauté chinoise vivait "en développement séparé" de la société française. Avec l'extension des quartiers chinois à Paris, des problèmes se posent néanmoins avec certains riverains, et des tensions surgissent avec des communautés étrangères qui vivent ou se déplacent à l'extérieur des espaces chinois.
Un nouveau modèle d'intégration et le mouvement des " sans-papiers " Chinois
Depuis 1997, "la révolte des 
sans-papiers Chinois" en France a créée une fêlure dans les traditionnelles Chinatowns parisiennes. Obtenant à 83 % des papiers et le plus fort taux de régularisation par nationalité, les nouveaux migrants chinois et les plus jeunes ont manifesté le désir d'une nouvelle intégration qu'il faut encourager. Si leurs ancêtres étaient repliés sur leurs communautés qui continuent à se développer, les nouveaux migrants chinois - de plus en plus nombreux en France - veulent s'échapper de la tutelle ancestrale des quartiers chinois. Ils souhaitent vivre à l'européenne, travailler, s'unir librement en dehors des Chinatowns. Parlant souvent le français, ils adoptent un modèle culturel qui s'oriente vers une nouvelle intégration ; Ainsi le choix des jeunes chinois de Paris qui mettent en place pour les 5 et 6 mai à venir un congrès international des jeunes Teochews avec plus de 400 participants, avec pour thème "La place de la France dans le monde". Perspectives et propositions pour une coopération européenne avec la Chine
Au moment présent, il est nécessaire de s'intéresser aux modalités d'entrée en France des ressortissants chinois en privilégiants de nouveaux axes de recherche ; Les facteurs incitatifs et les préparatifs d'entrée des chinois ; Les filières, les méthodes, les réseaux utilisés pour l'entrée en France ; Les conséquences de l'arrivée des Chinois en France. Un effort particulier devrait être engagé pour améliorer l'approche quantitative des flux chinois vers la France et pour différencier les origines et les lieux d'accueil. Il s'agirait aussi d'évaluer les itinéraires, "le poids" de la communauté chinoise en France et de définir des indications sur les modes d'intégration (ou non) en France, en tenant compte de l'espace européen.
La gestion des flux migratoires est un domaine de coopération qu'il faut développer avec la Communauté Européenne, et la Chine. Si l'intégration des Chinois installés dans les pays d'accueil en Europe doit être encouragée, l'immigration et l'utilisation de la main-d'œuvre clandestine doit être combattue, et une dimension préventive avec la Chine doit être envisagée ; Il nous faut suggérer une maîtrise des flux migratoires notamment par un recours à l'aide humanitaire dans des conditions qui restent à définir. Le co-développement, des actions d'appui adaptées dans des régions les plus pauvres, l'expérience des services de l'Etat, des collectivités locales, des O.N.G. et des actions de coopération spécifiques seraient bénéfiques. Ainsi le savoir-faire de régions (Pas-de-Calais, Lorraine) françaises bénéficiant d'une expérience dans la restructuration industrielle pourrait bénéficier aux provinces chinoises du Nord de la Chine touchées par des restructurations industrielles ; Actions spécifiques, protections sociales, formations. Notre coopération avec la Chine en matière de gestion des flux migratoires sera d'autant plus efficace qu'elle s'inscrira dans une coopération globale. Cette politique de co-développement avec la Chine pourrait être abordée dans la perspective des prochaines rencontres avec nos partenaires européens.









http://www.chine-informations.com/guide/les-migrants-de-la-diaspora-chinoise-en-france_1731.html

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